Carnet spirituel n° 53 : Le Sacré (1ère partie)
Éditorial
Le thème que nous abordons aujourd’hui va nécessiter trois carnets pour
être traité entièrement. C’est dire l’importance que le Père attachait à
ces considérations sur ce qui fait qu’une âme vit selon l’orientation
gravée en elle par la grâce du baptême.
Tout baptisé est consacré : purifié, sanctifié et consacré :
– purifié par les onctions d’huile sainte ;
– sanctifié par l’eau baptismale qui lui donne la grâce ;
– consacré par l’onction du Saint-Chrême faite sur le sommet de sa tête.
Consacré par le caractère sacramentel qui le rend
« participant du sacerdoce de Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Telle est
l’exacte pensée du docteur angélique, notre maître à tous :
« Le fidèle est député à deux choses. D’abord et à titre
principal à la jouissance de la gloire, et pour cela, il est marqué du
sceau de la grâce ; […] En second lieu, chaque fidèle est député à
recevoir ou à donner aux autres ce qui concerne le culte de Dieu ; et
c’est là le rôle propre du caractère sacramentel. Or, tout le rite de la
religion chrétienne découle du sacerdoce du Christ. C’est pourquoi il
est évident que le caractère sacramentel est spécialement caractère du
Christ, au sacerdoce de qui les fidèles sont configurés selon les
caractères sacramentels ; et ceux-ci ne sont pas autre chose que des
sortes de participations du sacerdoce du Christ, qui découlent du Christ
même. » (IIIa 63,3)
Sans vouloir exagérer cette grandeur conféré par le baptême,
nul ne peut ignorer que le baptême lui a conféré un pouvoir unique de
prendre part au culte que le Christ-Prêtre rend à son Père, d’abord
comme Adorateur, puis comme Réparateur et comme Sauveur.
Sur ce premier culte de l’adoration, Chesterton a écrit de fort belles choses très profondes :
« Le point crucial et critique, c’est que l’homme a
trouvé tout naturel d’adorer ; il a même trouvé naturel d’adorer des
choses contre nature. L’attitude de l’idole pouvait être rigide et
étrange ; mais l’attitude de l’adorateur était généreuse et belle.
Non seulement se sentait-il plus libre quand il se penchait, mais il se trouvait plus grand quand il se courbait.
En conséquence, tout ce qui empêcherait ce geste de
l’adoration, empêcherait l’homme de croître et le mutilerait pour
toujours.
En conséquence, être sans sentiment religieux serait une
servitude et une inhibition. Si l’homme ne peut prier, il est bâillonné ;
s’il ne peut s’agenouiller, il est dans les fers.
En conséquence, nous sentons, à travers tout le paganisme, un
étrange sentiment mêlé de confiance et de méfiance. Quand l’homme fait
les gestes de saluer et de sacrifier, quand il verse des libations ou
brandit l’épée, il sait qu’il pose des gestes dignes et virils. Il sait
qu’il pose un des gestes pour lesquels l’homme a été fait. […] On peut
dire que l’Adolescent en prière exprime un besoin, plus qu’il ne
satisfait un besoin. Son geste d’élever les mains est normal et
nécessaire ; mais ce n’est pas moins une parabole que ses mains sont
vides.
Quant à la nature de ce besoin, il faudra en parler davantage ;
mais pour le moment on peut dire que peut-être, après tout, cet
instinct authentique, cette prière et ce sacrifice sont une libération
et un accroissement ; ils rappellent cette conception vaste et à moitié
oubliée d’une fraternité universelle, que nous avons déjà vue partout se
faner à partir de l’aube des temps. Cela est vrai ; et pourtant, ce
n’est pas toute la vérité.
Demeure un indestructible instinct, dans le poète tel que
représenté par le païen, qu’il n’a pas tout à fait tort de situer son
dieu à un endroit précis. C’est quelque chose qui est au cœur de la
poésie, sinon de la religion. Et le plus grand des poètes, quand il a
défini le poète, n’a pas dit qu’il nous a donné l’univers, ou l’absolu,
ou l’infini, mais, en son langage plus vaste, une habitation bien
localisée et un nom. » Chesterton – L’homme éternel ch. V.
Si cela est vrai du païen, qu’en sera-t-il du chrétien,
consacré pour l’adoration dès son baptême ? Ce thème mérite donc en
effet d’être exposé en détail et approfondi. Ne négligez pas la lecture
de ces trois carnets, et même, pourquoi pas, faites-les connaître ! Vous
serez apôtres, tout en aidant au développement de notre œuvre.
Abbé Michel Simoulin