Carnet spirituel n° 44 : La direction

Éditorial

Ces conférences sur la direction spirituelle prolongent et complètent heureusement nos séries sur la pénitence, comme la direction complète la confession.
Dans une autre série sur la direction spirituelle adressée à des religieuses, le P. de Chivré introduit ses conférences avec des réflexions dont je citerai quelques extraits qui peuvent s’appliquer à tous.


Quand on est sérieux avec ses engagements – ceux de notre baptême, de notre confirmation, de notre mariage – il va de soi que nous nous sentons responsables des complaisances de la grâce en nous. Ces complaisances sont le résultat d’une longue expérience des détails de la grâce en nous. Ces détails échappent à la nature, étant donné qu’elle en est la « victime ». Il est donc nécessaire d’amorcer le problème de la Direction sur un problème de fond qu’il n’appartient à personne de nier : c’est la question de « la Malice de nature ». Prenons les gammes spontanées de la malice humaine pour plaider son envie de faire le mal… L’art de tricher !
Lorsqu’on veut faire une mise au point de son manque de loyauté, il n’y a qu’à regarder notre propension à tricher avec l’appel de la grâce, de l’éducation… La Malice Naturelle est l’art de tricher au bénéfice des défauts qui sont en eux-mêmes des produits de cette tricherie. Et nous sommes là au centre même de notre situation naturelle et surnaturelle.
Quelle situation ? La situation de présenter à la tricherie d’origine naturelle, la lumière indestructible de la conscience pour débrouiller le clair-obscur dans lequel le mensonge se plaît. Car le mensonge n’est jamais une nuit absolue qui, elle, est l’état choisi du refus. Le mensonge est le clair-obscur dans lequel soit l’obscur, soit le clair vont se séparer en fonction de la décision de votre liberté à partir de laquelle, alors, le clair-obscur devient ou la nuit (le péché) ou la récompense (la vertu).
Pour décider le jugement à orienter, d’une manière habituelle, la route vers le sommet, il faut la Direction d’un autre, patenté par Dieu (sacerdoce) afin de faire accepter la responsabilité bienheureuse d’un refus du mal et d’un amour du bien, en laissant la décision à l’intéressé.
La confession et la direction modèlent nos attitudes sociales autant que nos attitudes intimes ; cela autorise la Direction à aborder quantité de sujets qui n’ont rien à voir avec la confession, si ce n’est le désir d’en faire des actes vertueux. Il faut alors acquérir une origine surnaturelle intacte de son âme, pour en tirer le maximum d’influence générale.
Prenons comme exemple le cas du jeune homme riche : garçon épatant, pur, il avait de l’élan, en lui-même toutes les données voulues d’une influence dans laquelle il aurait pu introduire Dieu… Mais, il a été stoppé par le manque de Direction pour lui faire comprendre que ce ne sont pas les qualités d’homme qui dirigent les autres vers Dieu, mais les qualités d’homme pétries de l’intelligence de Dieu, indépendamment des qualités de chacun. Il était beaucoup trop personnel pour atteindre la véritable humilité expansive d’influence.
Trop d’âmes de bonne volonté confondent l’acte vertueux avec l’acte final de la sainteté.
Si de nos jours, tout est faussé, c’est parce que personne ne veut accepter la mise en place d’une Direction venant de Dieu.

Tout autre discours serait superflu, et il est temps de méditer les conférences de cette nouvelle série, afin que nul ne craigne d’offrir son âme, ses élans et ses faiblesses, au regard d’un autre et à la délicatesse de son sacerdoce pour orienter cette âme vers les sommets où l’attendent les saints.

Abbé Michel Simoulin