Carnet spirituel n° 17 : Devenir Esprit

Éditorial

Qui a Dieu avec lui n’est jamais moins seul que quand il est seul. » (Guillaume de Saint-Thierry)
« Quel sentiment voit-on dominer si souvent parmi ceux qui doivent être l’élite d’une nation ? La peur. La peur de déplaire, la peur d’être désavoué, la peur d’être seul. Un religieux de grand mérite, mort il a quelques années, nous disait : « Il aura fallu que j’arrive vers la fin de ma vie pour comprendre le rôle que joue la peur dans la vie des hommes. »
Contre cette peur qui étreint et qui paralyse, il y a la prière et il y a l’exemple des saints. Il y faut en plus un amour tendre et viril pour le Christ Jésus, une mystique simple et forte comme la terre de Palestine où elle prit naissance, quelque chose de crucifié et de vainqueur qui pénètre dans le fond de l’âme et la soulève, si besoin est, jusqu’aux extrémités de la terre. » (Demain la Chrétienté. Dom Gérard).
En préparant les textes de ce numéro, ma pensée revenait sans cesse vers cette forte pensée du P. Calmel sur la peur, citée ici par Dom Gérard : la place de la peur dans la vie des hommes. C’est elle qui nous empêche d’être résolument esprit et de préférer la solitude avec Dieu à la compagnie des hommes, parce que le monde nous observe et nous juge. Nous avons peur du monde, peur de ne pas être comme les autres, alors que, selon Ernest Hello, « les hommes sont étonnés et renversés quand un homme ne fait à leurs erreurs aucune concession. Ils ont peur de celui qui n’a pas peur d’eux. »
Le Père de Chivré abonde, et surabonde même, dans ce sens, nous le savons déjà, mais les textes présentés aujourd’hui me semblent propres à réveiller en nous le désir de cette solitude où l’homme redevient ce qu’il est : esprit… C’est l’esprit qui est la vérité de l’homme, la vérité sur l’homme. Tout ce qui, en lui, n’est pas esprit est animal, et la noblesse de l’homme n’est pas d’être animal mais d’être esprit. Il ne s’agit pas de faire l’ange et de mépriser, ou d’ignorer cet animal que nous sommes ; il s’agit simplement de reconnaître que cet animal n’est pas en nous ce qu’il y a de meilleur, ni même de principal, et de nous efforcer de le mettre à sa place, de l’y laisser et d’en faire un courageux et docile serviteur de l’esprit.
Nous avons déjà vu et médité cela dans notre précédent carnet. Il s’agit à présent d’en tirer les conclusions, pour être compté au nombre de ces adorateurs que Dieu cherche, ces adorateurs qu’est venu recréer Jésus-Christ, les adorateurs en esprit et en vérité.

Abbé Michel Simoulin