Carnet spirituel n° 82 : L’Eucharistie (5e partie)

 

Les souffrances du Christ

« S’Il n’est pas Celui qui a le plus souffert, Il est Celui qui a le mieux souffert, et c’est ce mieux qui correspondait exactement à la nécessité de la Passion telle que Dieu la concevait miséricordieusement. Dans ce mieux sont satisfaites les deux conditions requises pour le pardon : la Justice et la Miséricorde. »

Ainsi parlait le Père de Chivré, ce que d’aucuns ont cru pouvoir lui reprocher, car saint Thomas affirme, après en avoir examiné les motifs : Toutes ces causes réunies montrent à l’évidence que la douleur du Christ fut la plus grande – « Apparet quod dolor Christi fuit maximus » (IIIa, 46,6)

D’après nos savants théologiens, le Père est donc en contradiction avec saint Thomas ! Bigre, dirait le Père !

Moi, je dirai d’abord que saint Thomas, toute révérence gardée, n’est pas infaillible ! Mais, en l’occurrence, je dirai qu’il n’y a pas désaccord, bien au contraire. J’avais déjà amorcé une réponse.

« Nous avons tous à l’esprit l’image d’un crucifix. Il y en a tellement qu’il est difficile de choisir, de dire lequel nous parle le plus, nous évoque le mieux ce que fut la passion de notre Sauveur.
Le visage du Saint-Suaire est sans doute le plus proche de la vérité, et il nous manifeste une pensée que relève le Père dans ce carnet : Il n’est pas celui qui a le plus souffert…Il est celui qui a le mieux souffert !
De fait, lorsqu’on parcourt l’interminable liste des tortures humaines, il en est beaucoup qui surpassent en horreur et en intensité les souffrances du Calvaire et de la Croix.
Ce qui fait l’intensité unique et supérieure, c’est sans doute d’abord la sensibilité divine de la nature humaine de Jésus, mais c’est surtout l’immensité de l’amour qui embrase le Sacré-Cœur et lui fait non seulement accepter, mais offrir ces souffrances. Nul être humain n’a pu vouloir, aimer et offrir cette souffrance autant que Lui… non pas par attrait vers la souffrance qui demeure un mal, mais pour s’en saisir et la transformer en la preuve d’amour la plus absolue qui puisse être offerte à Dieu. »

Cela me semblait clair, mais j’ajoute encore que le français use du mot souffrance ou douleur, là où le latin n’a qu’un mot : dolor !

Et il y a une différence entre la douleur et la souffrance ! Cette nuance n’est pas absolue, et l’un et l’autre peuvent se confondre, mais la souffrance s’adresse plutôt à une douleur extérieure et la douleur à une souffrance intérieure. L’un et l’autre se mêlent, mais leur différence se situe au niveau du ressenti, physique et extérieur, sensible ou moral, intérieur, spirituel.

C’est pourquoi on peut affirmer avec saint Thomas que la douleur du Christ a été la plus grande, ainsi que je l’expliquais ci-dessus, ce qui reprend les motifs de saint Thomas, et affirmer avec le P. de Chivré que : « Il n’est pas celui qui a le plus souffert ».

Jésus n’a pas été écorché vif, écartelé, coupé en morceaux, étripé, brûlé, etc… comme l’ont été tant de martyrs ! La liste des souffrances infligées aux martyrs dépasse de loin ce que ses bourreaux ont infligé à Jésus. Mais la moindre souffrance infligée au Christ a été ressentie par lui à un degré quasi infini, intolérable et même incompréhensible pour tout être humain, même le plus saint.

Abbé Michel Simoulin