Carnet spirituel n° 45 : La prière (1ère partie)

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Éditorial

Ce carnet est la première partie de la série de conférences du Père sur la prière. Les conférences suivantes achèveront ses réflexions : Les résultats de la Prière – La Prière absolue : l’Adoration – La Prière sans souillure de la Vierge, et toutes ces considérations nous surprendront sans doute, car nous ne sommes pas habitués à entendre parler de la prière de cette façon.
Heureusement que la vie spirituelle est le contraire d’un dilemme ou d’une alternative. Elle est une certitude d’action dans laquelle Dieu commence, afin que l’homme continue, pour que Dieu achève.
Cette seule et simple réflexion ne fait que résumer un long passage de saint Bernard sur la coopération entre la grâce et le libre-arbitre, entre la sagesse de Dieu et la volonté de l’homme.
« Il faut donc bien nous garder, quand nous sentons ces choses se faire en nous et avec nous, de les attribuer à notre volonté qui est infirme, ou à quelque nécessité en Dieu, en qui il n’en existe aucune, mais à la grâce seulement dont il est plein.
– C’est elle qui excite le libre arbitre, quand elle sème en nous de bonnes pensées;
– c’est elle qui le guérit, lorsqu’elle change son affection,
– et c’est elle encore qui le fortifie assez pour le conduire à l’accomplissement du bien,
– c’est elle enfin qui le conserve et l’empêche de défaillir.
Or, dans toutes ces opérations, la grâce agit de telle sorte qu’elle commence par prévenir la volonté et qu’ensuite elle l’accompagne toujours;
– elle ne la prévient que pour en obtenir ensuite la coopération, en sorte que ce que la grâce commence seule, s’accomplit ensuite par elle et par le libre arbitre;
– ils agissent conjointement, non séparément; ensemble, non pas successivement.
La grâce ne fait point une partie de l’œuvre et le libre arbitre, l’autre; ils agissent ensemble, par une opération indivise.
Le libre arbitre fait tout et la grâce fait tout aussi; mais de même que la grâce fait tout dans le libre arbitre, ainsi le libre arbitre fait tout par la grâce. »


Sans doute, tout cela ne relève pas d’une piété facile et somnolente, mais nous sommes habitués, j’espère, à cette piété forte prêchée par le Père, qui ne nous prenait pas pour des médiocres avides des prédications qui font ronronner les auditeurs, comme un chat que l’on caresse dans le sens du poil. Et, soyons honnêtes, c’est de cette piété forte que nous avons besoin. Prier, c’est toujours d’une manière ou d’une autre se charger de la cause de Dieu, de l’ordre humain providentiel, pas de l’ordre humain païen, laïc ou matérialiste.
Dieu ne « veut » rien faire pour les hommes si les hommes n’y consentent pas, ne le désirent pas, ne le demandent pas. Cela ne veut pas dire que Dieu fera tout ce que les hommes lui demandent, mais il est beaucoup de chose excellentes que Dieu tient en réserve et qu’il veut nous accorder… mais qu’il ne peut nous donner parce que nous voulons d’autres choses, peut-être bonnes, mais moins excellentes que celles qu’il nous donnerait si nous les lui demandions.
Et combien de fois, hélas, sommes-nous si difficiles, voire mécontents et plaintifs lorsque Dieu dispose les choses autrement que ce que nous aurions fait « à sa place » !
L’effarant est de constater la silencieuse ironie des croyants à l’égard des avertissements directs de Dieu. Nous nous plaignons que Dieu se taise et nous n’admettons pas que Dieu parle.

Notre foi est bien faible, et nous voudrions parfois que Dieu nous tienne toujours un discours lénifiant, qu’il se soumette à nos volontés… alors que ce n’est pas ce que nous disons lorsque nous prions comme Jésus nous l’a enseigné : que votre volonté soit faite…

Abbé Michel Simoulin