Carnet spirituel n° 35 : Les Saints Dominicains
Éditorial
Après avoir traité de la sainteté, il convient de considérer ceux en qui
Dieu a pu réaliser son projet : les saints. Nous commencerons – à tout
seigneur tout honneur – avec les saints dominicains, ceux de l’ordre du
Père de Chivré. Nous y avons joint saint François.
Certains se demanderont peut-être ce qu’il vient faire ici.
La réponse est simple : c’est en raison de l’amitié qui, selon la
tradition, unissait les deux fondateurs qui se seraient rencontrés à
Rome, en 1215, lors de la clôture du IV° Concile de Latran. Thomas de
Celano développe un récit assez circonstancié, où il raconte que les
deux saints se sont retrouvés chez le cardinal Hugolin qui les aurait
convoqués pour leur demander que des frères puissent devenir évêques, ce
que tous deux auraient refusé, dans des discours rivalisant d’humilité !
Celano clôt son récit avec une conclusion curieuse, où Dominique aurait
proposé à François de réunir les deux Ordres. En tout état de cause,
même si un doute subsiste, cela ne doit pas nous empêcher de considérer
la proximité évangélique et la complémentarité entre le poverello
d’Assise et le prédicateur de la grâce évangélique.
Cela étant, qu’est-ce qui distingue la sainteté dominicaine ?
Le plus sûr est certainement de le recueillir des lèvres de
saint Dominique lui-même, dans ses ultimes conseils à ses frères : Ayez
la charité, gardez l’humilité, possédez la pauvreté volontaire.
Mgr Gillet, qui fut maître général de l’ordre, relevait trois
caractéristiques de la spiritualité dominicaine : apostolique,
doctrinale et harmonieuse.
Le P. Clérissac, quant à lui, relevait comme éléments du
caractère moral de l’ordre : la noblesse, l’attachement au maître, et la
fidélité à l’absolu.
Le P. Coconnier, décrivait ainsi l’esprit dominicain:
« Délicieux mélange de simplicité et de distinction, de droiture et de
discrète réserve, d’humilité et de grandeur d’âme, de force et de
douceur, de foi ardente, de zèle apostolique et de prudence, faisant
aimer tout ce qui est vérité et lumière, haïr tout ce qui est erreur et
fausseté, rendant enfin quiconque le possède, cher à Dieu et aux
hommes. »
Le P. Guérard des Lauriers résumait tout dans cette formule
qui est le titre d’une de ses études : Caritas veritatis. La charité de
la vérité.
Tout cela se résume merveilleusement dans la formule de saint
Thomas d’Aquin, devenue la devise de l’ordre : « Contemplari et
contemplata aliis tradere… Contempler et livrer aux autres le fruit de
sa contemplation. »
Quant au P. de Chivré, la lecture des prédications de ce carnet suffira à
faire comprendre ce qu’est pour lui la vie et la sainteté
dominicaines : enthousiasme ardent pour l’étude de la vérité, la
contemplation et la prédication – joie d’un contact avec les réalités
divines, dans l’oraison, la liturgie – liberté d’un détachement parfait
par les veux, la règle, la vie religieuse.
Ceux et celles qui fréquentent les lieux dominicains
connaissent certainement cette si belle antienne, qui rappelle chaque
jour à ceux et celles qui la chantent ce que fut saint Dominique et la
sainteté héroïque qu’ils doivent vivre: O lumen Ecclesiae. Cette
antienne a été composée par Constantin d’Orvieto après la mort de saint
Dominique. Elle a commencé à être chantée peu après la canonisation de
Dominique, à la fin de l’office des Complies, après le Salve Regina.
O lumen Ecclesiae
Doctor veritatis,
Rosa patientiae,
Ebur castitatis,
Aquam sapientiae
propinasti gratis,
Praedicator gratiae,
nos junge beatis.
» Ô Lumière de l’Église,
Docteur de la vérité,
Rose de patience,
Ivoire de chasteté,
vous nous avez abreuvés
gratuitement de l’eau de la sagesse;
Prédicateur de la grâce,
faites-nous parvenir au séjour des Bienheureux. »
Le dernier mot de la sainteté dominicaine est peut-être
celui-ci : prédicateur de la grâce ! Quel que soit le saint dominicain,
de saint Thomas au Bx P. Cormier, c’est le primat de la grâce dans
l’œuvre de la sainteté qui fait le fond de toute prédication vraiment
dominicaine.
« Gratia non tollit naturam sed perficit eam…La grâce ne
détruit pas la nature mais la perfectionne » est le deuxième axiome
emprunté à saint Thomas qui met en lumière cette note de la prédication
dominicaine : la grâce, les vertus et les dons.
Certes, cette doctrine n’est pas seulement dominicaine, elle
est celle de toute l’Eglise mais il est vrai que c’est à saint Thomas,
et donc à saint Dominique, que l’on doit ces lumières théologiques et
spirituelles propres à guider nos pas vers la sainteté.
Abbé Michel Simoulin