Carnet spirituel n° 19 : Le Mal

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Éditorial

C’est le crime du dix-neuvième siècle que de ne pas haïr le mal, et de lui faire des propositions. Il n’y a qu’une proposition à lui faire, c’est de disparaître. Tout arrangement conclu avec lui ressemble non pas même à son triomphe partiel, mais à son triomphe complet, car le mal ne demande pas toujours à chasser le bien ; il demande la permission de cohabiter avec lui. Un instinct secret l’avertit qu’en demandant quelque chose, il demande tout. Dès qu’on ne le hait plus, il se sent adoré. » Ainsi s’exprimait Ernest Hello, dans « L’Homme », publié en 1872 !
Dans le même recueil, il parlait encore de cet être étrange, qu’il nommait « l’homme mort », et que nous pourrions nommer le libéral, et qui « a perdu le sens de l’unité… Il compose une parodie satanique de l’unité : il tâche d’aimer à la fois le vrai et le faux, le bien et le mal, le beau et le laid… de concilier le oui et le non ; n’ayant pas voulu aimer Dieu tout entier, il tâche d’aimer à la fois Dieu et le diable ; mais c’est ce dernier qu’il préfère. »
Hello fait encore bien d’autres réflexions terribles mais admirables de vérité, mais on ne peut tout citer ici, d’autant qu’il s’agit simplement d’introduire ces textes du Père de Chivré, tous relatifs au mal dans le monde et à l’attitude des catholiques du vingtième siècle face à ce mal.
Julien Green, à l’autre bout de la chaîne, c’est-à-dire après le Concile, faisait cette confession : « Dans cette ouverture au monde, j’étais gêné par ce dernier mot qui cadrait mal avec une certaine idée que je me faisais de l’Église. Il me revenait à l’esprit une phrase de Bernanos sur une cinquième colonne s’introduisant dans la forteresse. Une forteresse, c’était un peu cela. L’Église était dans le monde, tout en étant pas du monde. Sa force d’attraction venait de là. Elle était pareille à une image visible du royaume qui n’est pas de ce monde. Elle accueillait qui voulait venir à elle, mais l’ouvrir toute grande au monde, n’était-ce pas abattre ses murailles et échanger la place forte contre une place publique, un carrefour de toutes les croyances ? » (Ce qu’il faut d’amour à l’homme).
Entre les deux, il y eut ces guerres mondiales qui ont achevé l’œuvre d’anéantissement de l’ordre chrétien entrepris par la révolution.
Le premier texte que nous publions, et dont nous ignorons les circonstances exactes, se situe précisément après la dernière guerre. Le Père s’adresse aux Rouennais, dont la ville a été détruite et qu’il s’agit de reconstruire. Mais il cherche surtout à poser les fondements d’une autre reconstruction, celle des forces spirituelles et morales, dont l’absence avait conduit aux ruines de toute une civilisation. Les autres textes prolongent et détaillent certains aspects du mal qui nous ronge.


C’était il y a une soixantaine d’années ! Où en est aujourd’hui cette reconstruction ? Qui a entendu les clameurs prophétiques du Père de Chivré, et de tant d’autres ? Qui s’est mis sérieusement au travail ?
Du dix-neuvième d’Ernest Hello au vingtième de Julien Green et du Père (et à notre si triste vingt-et-unième), hélas, rien de nouveau, si ce n’est le progrès du mal et celui de l’esprit libéral et mondain chez les catholiques. Cela ne peut durer, et il faudra bien un jour nous réveiller.

Ce carnet nous a conduits au terme de la 5e année d’existence de notre association, et le prochain nous introduira au 25e anniversaire du décès du Père de Chivré. Nous avons des projets pour cela ! D’abord, publier dans nos carnets des séries complètes et suivies de conférences ou retraites prêchées par le Père. Ensuite, publier un nouveau livre (nos finances nous le permettent !) qui réunira tout ce que nous avons pu trouver dans ses articles, conférences, sermons, notes diverses sur la Très Sainte Vierge Marie. Mais, de tout cela nous reparlerons.


Pour l’heure, quittons 2008 sans regret et entrons avec courage et espérance en 2009, afin que le mal recule et que la Vierge Immaculée fasse progresser la Vérité et le Bien.

Abbé Michel Simoulin